Sur un air de jazz de seconde zone acheté dans une station essence


Lignes artistiques



Intentions formelles



À la recherche d’une nouvel le proposition scénique ou comment nous en sommes venus au roman-photo théâtral.

Depuis le début de notre travail, nous défendons que le théâtre ne peut être réaliste.
Car il est une figuration d’une réalité. On y invente de nouveaux langages, on décortique un système, on réinvente.
Ainsi, pour faire ressortir un sentiment réel de la supercherie qu’est le théâtre, nous mettons en place, sur scène, une autre réalité : celle du théâtre.
Nous y mettons en valeur, rendons visibles le faux et les mécanismes, la machinerie du théâtre pour en extraire une fiction ou une histoire vraie, une opinion, un enjeu.
A l’opposé du théâtre, il y a le cinéma, qui prône généralement le réalisme jusqu'à en faire oublier la caméra.
Nous avons envie, au cours de cette créatio n, de trouver ce qui peut naître de la confrontation et du décalage entre le réalisme cinématographique et la distanciation théâtrale.
Nous voulons ainsi démembrer le cinéma (images, musique, bruitages, dialogues) pour l’amener sur un plateau.
Notons que le démembrement des images sera total car les plans seront disséqués en images fixes la plupart du temps faisant naître ainsi un roman-photo théâtral.
Le public pourra ainsi suivre une histoire racontée sur le plateau par les comédiens et représentée par les photographies prises dans les différents pays à la façon d’un roman-photo : où les personnages fictifs évolueront dans un décor réaliste.
L’intérêt de cette forme, outre qu’elle mêle le théâtre au 7e art, est qu’elle offre une multitude de possibilités de jeu et de propositions scéniques.
Ce que nous venons d’écrire est d’ailleurs l’ossature de l’acte scénique.
Ce que nous allons chercher à faire durant l’ensemble des résidences c’est de trouver des ouvertures dans cette ossature pour pouvoir briser la forme que nous avons mise en place.
Comme une partition de jazz, nous allons exploiter les sorties possibles de la forme de base pour la rendre la plus vivante possible.
Car nous sommes persuadés que la seule chose qui différencie le spectacle vivant des autres vecteurs de langage artistique est cette vie-même représentée par les comédiens.
Et cette vie, nous voulons la mettre en exergue parce que nous voulons que notre spectacle vivant soit vivant grâce aux libertés dont nos comédiens disposent, grâce aux variations possibles d’un thème de base qui empêche ce thème de se figer et devenir par là-même une forme plus morte que vivante.
Pour cela, nous allons chercher de manière empirique, lors de chaque résidence, de nouveaux modules scéniques avec des espaces de liberté à introduire dans la création globale.


Intentions dramaturgiques



(Une histoire et une création) autour de l’enquête

L’histoire, car il y en aura une, que nous raconterons sera basée avant tout, sur une enquête.
Une enquête menée par un détective un peu raté et désabusé semblant sortir tout droit d’une série B des années 70, ayant comme acolyte (hommage au surréalisme belge) un sachet de thé, partira à la recherche du mari d’une femme.
Il traversera plusieurs pays pour trouver l’issue de sa recherche.
Et nous allons, comme le protagoniste, faire près de 9000 kilomètres pour réaliser ce spectacle.
Car, au travers de cette enquête fictionnelle, nous comptons également enquêter sur des éléments marquants de notre société.

L ’enquête fictionnelle : de l’intérêt de la glisser dans le vêtement d’un roman noir

Au niveau du texte, nous désirons raconter une histoire inspirée du roman noir, qui ira particulièrement bien avec ce que nous recherchons.
Pourquoi spécifiquement ce genre ? Pour plusieurs raisons :

Différents lieux, différentes ambiances

L’ambiance qui se dégage du roman noir a comme particularité d’être variée.
Et nous avons envie de cela, que l’univers de l’histoire soit tout à la fois très sombre et rempli d’humour.
Que les personnages évoluent dans un monde tantôt obscur, mystérieux et enfumé, tantôt, dans des lieux plus lumineux.

Des personnages remplis d’antagonismes

Les personnages du roman noir ont souvent une personnalité complexe, remplie d’antagonismes qui permet à l’auteur de les mettre dans des situations tantôt violentes, tantôt dramatiques, mais aussi cocasses, absurdes et drôles.
Le héros, par exemple, n’est pas un détective distingué mais un personnage tout droit sorti d’une série B, assez solitaire, qui peut avoir tantôt un côté violent, tantôt un côté poétique et rêveur et, dans un tout autre registre, toucher les sommets du pathétique.

Des entités visuelles fortes

Au niveau du traitement des personnages, un autre intérêt de ce genre littéraire par rapport à notre création est que ce sont des entités visuelles fortes construites selon des codes précis qui permettent à chacun de distinguer les bons des méchants, les policiers (en uniforme), le détective (en imper)...
et jouer avec des clichés est justement une des directions que nous voulons explorer lors de la création.

Un décalage – des variations rythmiques

Ces antagonismes, tant au niveau des personnages que des lieux (tantôts sombres, tantôt lumineux) et des ambiances, apportent des décalages dans l’histoire qui nous intéressent par le fait qu’ils permettent des changements directs qui évitent que l’on s’installe trop longtemps dans une ambiance particulière.
Ces changements sont d’ailleurs le propre du roman noir dont le développement narratif ne s'oriente pas en ligne continue mais admet des variations rythmiques, l'enchaînement d'épisodes relativement clos et l'insertion d'unités descriptives. Cette particularité entre parfaitement dans la forme du romanphoto théâtral qui peut elle-même se décliner en de nombreuses propositions.

Un portrait de nos sociétés

Une enquête permet de voyager dans différents espaces et ambiances d’un territoire, ce qui permet d’en dresser un portrait.
Le protagoniste, le détective, évolue dans un environnement topographique et sociologique diversifié.
Son enquête devient ainsi un témoignage sur la spécificité d'une ou plusieurs communautés humaines, d’espaces urbains, de processus.
L'investigation fournit ainsi presque toujours un supplément de connaissances à travers une vision insolite.
Cette particularité nous a d’autant plus attiré que nous avons l’intention de faire de cette histoire ce que l’on pourrait nommer un road movie dans différents pays.
L’histoire aura donc lieu dans plusieurs pays.
L’ambiance de ces pays et le détective seront donc les fils rouges de ce qui sera raconté.
Des pays avec leurs paysages particuliers, leurs quartiers industriels qui fonctionnent encore ou ne témoignent plus que d’un passé florissant aujourd’hui enterré.
Des pays où certains lieux sont figés tandis que d’autres sont en constante évolution tant au niveau architectural, social, culturel, etc.
Ainsi, et c’est l’un des principaux objectifs de ce projet : cette histoire nous permettra d’enquêter dans des pays pour (re)découvrir où on en est aujourd’hui au niveau politique, social, architectural, paysager à différents endroits du monde et d’en dresser une partie d’un portrait actuel par le biais d’une fiction.

L ’enquête sur notre réalité

La mondialisation

Pourquoi sortir des frontières ? Car nous voulons nous confronter à la mondialisation.
Phénomène qui amène, par le biais du commerce, les cultures à se rencontrer bien plus intensément qu’avant, à s’influencer, à se ressembler aussi, au niveau culturel et paysager.
Il suffit de regarder les autoroutes, les stations essence, les chaînes de restaurant qui s’identifient par une architecture similaire dans tous les pays pour le constater.
Nous voulons nous confronter à cela ainsi qu’aux particularités que gardent les paysages urbains et culturels de chaque pays malgré les ressemblances.
Tout cela sera traduit par les prises de photos et l’histoire écrite au fur et à mesure des résidences par les auteurs.

La francophonie / quatre auteurs

Qu’est-ce qu’une culture francophone au-delà de ce qui la relie aux autres – la langue française ?
Et ce lien est-il semblable en tous points dans chaque pays ? Y a-t-il une seule langue française ?
Nous traverserons une partie de la francophonie pour atteindre l’un des objectifs de ce projet : parce que nous avons remarqué que, malgré un langage commun, le français, les différences culturelles sont marquées au sein même de la langue.
Nous allons jouer avec cela, travailler autour du langage, trouver des rapports absurdes qui reflètent une culture différente et, au-delà de la différence, chercher aussi une univer salité que nous souhaitons mettre en valeur.
Dans cette optique-là, nous allons aussi travailler avec des auteurs francophones des quatre pays du projet.

La réalité : première influence de la création

Notons que l’écriture de l’histoire se fera au fil des résidences.
Car nous voulons que la réalité soit présente non pas uniquement sur les photos où les personnages fictionnels vivent l’histoire dans des décors réels, mais qu’elle influe aussi sur la création.
Ainsi, chaque voyage, rencontre et histoire liée à la période de création sera introduit dans l’histoire dans le but d’une mise en abîme du spectacle.
Nous voulons travailler sur un principe de réalité, de liberté des comédiens et nous laisser influencer, comédiens et auteurs de l’histoire, par tous les stimuli extérieurs comme un passage de douane, la vie des comédiens lors du voyage…
Ce qu’il est important de comprendre est que le fait de nous déplacer d’un pays à l’autre pour prendre ces photos ne nous sert pas uniquement à changer de décor.
Nous allons à la rencontre des habitants pour pouvoir réaliser une radiographie de leur culture par le biais d’une fiction.
Nous allons confronter cette situation fictive qui est celle du comédien jouant un personnage à la vie réelle telle qu’un moment passé auprès d’un chauffeur de taxi, une épicier et ainsi de suite pour dégager une situation réelle et pertinente à transposer sur le plateau.
Nous ne cherchons pas à changer le monde, d’ailleurs aucune oeuvre artistique n’en a le pouvoir, nous cherchons à présenter une vision du monde, d’une partie de ce monde, à un moment précis, comme un portrait.

Un jeu autour de la dualité du faux et du vrai

Les photos seront prises et l’histoire écrite dans des situations réelles,
des endroits réels.
Cependant, nos personnages seront loin d’être réalistes.
Nous avons, en effet, envie d’exagérer le côté faux, non réel de notre fiction dans notre manière de représenter les personnages.
Nous présenterons donc, au travers des photos,
des personnages faux dans un « décor » vrai, réel.


Mise en scène


Pour cette création, basée au niveau formel sur le roman-photo théâtral, la mise en scène sera double :
- mise en scène photographique, prise en charge par Vinciane Geerinckx
- mise en scène sur le plateau, prise en charge par Pascal Lazarus


Mise en scène photographique


Rapprochement textes-photos

Les comédiens (et non comédiens croisés au hasard des prises de photos) seront mis en scène par rapport au texte, aux dialogues et monologues intérieurs du protagoniste.
L’idée sera de mettre en exergue l’essence de chaque phrase, tant au niveau des plans qu’au niveau des corps.

Jouer avec la réalité sans vouloir être réaliste

Nous aimons jouer sur les deux dimensions que sont la réalité et la fiction.
Nous aimons mettre en exergue le côté faux du décor, montrer la machinerie théâtrale mise en place.
Pour cette création, nous allons fortement développer ce côté-là sur les prises de photo.
Nous prendrons toutes les photos dans des lieux réels : routes, bars, brousse,… et grossirons le côté faux et fictionnel des personnages.
Les personnages seront ainsi représentés par des éléments grossiers tels des fausses moustaches, des perruques et par des codes très simples comme un imper beige et un chapeau pour le détective.
Nous chercherons donc avant tout à mettre en avant le côté faux de l’histoire en mettant en scène les faux personnages dans une réalité vraie.Théâtraliser la réalité.

Des rôles partagés

Dans chaque pays, nous travaillerons également avec des comédiens et des non-comédiens pour les prises photo, partie imagée du roman-photo théâtral.
C’est-à-dire que pour une scène qui aurait lieu dans un bar, par exemple, nous travaillerons directement avec le personnel du bar et des clients, avec leur accord bien entendu.
Pour accentuer le côté faux, fictionnel, nous n’allons pas hésiter à faire entrer dans le costume du détective tous les comédiens et même quelquefois certains non comédiens qui participeront aux prises de photos et jouer à nouveau avec la réalité de ce que nous vivrons.
Ce sera par exemple le comédien québécois, Rapahël Posadas, qui jouera le détective quand il sera question d’aller au Burkina Faso :
Raphaël, comme le détective, n’est jamais allé au Burkina, n’a même jamais mis un pied en Afrique, il découvrira donc, comme le protagoniste, le pays.


Mise en scène sur le plateau


La place centrale de l’image

Notre création étant basée sur un roman-photo théâtral, notre désir étant d’inclure dans l’histoire des clichés de villes, de quartiers, d’habitants, l’image occupera la place centrale, qu’elle soit fixe ou animée.
Nous exploiterons les différentes manières d’entrer en jeu avec l’image.
De la manière classique du roman-photo où l’image projetée représente ce qui est dit, à tout ce qui est possible : entrer-sortir de l’image, morceaux de l’histoire filmés, …
Nous jouerons aussi avec l’image sous toutes ses formes actuelles.
Puisque nous voulons jouer avec la réalité, nous exploiterons donc des particularités de celle-ci et au-delà des photos classiques,
nous travaillerons aussi avec les photos et films pris via les téléphones portables, les caméras de surveillance,…

En mode conférence

Le rapport avec le public sera, comme dans chacune de nos créations
, frontal et direct, dans le temps du plateau.
Il se traduira dans la manière directe de s’adresser au public, tels des conférenciers, mais aussi par une mise en scène en mode conférence.
Dès l’entrée du public, tel des conférenciers, les comédiens, la projeteuse d’images et la musicienne seront sur scène, à leur poste, en non-jeu, simplement là.
Les images seront projetée sur un écran, la musique jouée en direct,
les textes seront dis et les bruitages faits en direct au micro par les comédiens et la projeteuse d’images et la musicienne.
Mais ceci n’est que la base d’où nous partons,
l’idée étant évidemment de briser cette forme mise en place,
de la décliner, comme une partition de jazz à partir d’un thème musical.

Comme une partition de jazz

Sur le plateau il y aura donc une musicienne entourée de tout son matériel, la projeteuse d’images et son ordinateur et quatre comédiens.
Comme expliqué auparavant, la projeteuse d’images et la musicienne seront également comédiennes sur le plateau et interprèteront certains personnages.
Ceci est l’ossature du projet.
Notre objectif sera de casser cette ossature petit à petit et de l’emmener vers des variations, vers les possibles qu’elle offre, comme une partition de jazz qui part de quelques notes et les décline en une infinité de propositions.
Ainsi, contrairement à une forme linéaire, nous aurons plusieurs embranchements possibles dans le jeu
qui pourront être utilisés par les comédiens à n’importe quel moment.
On aura donc une histoire racontée jusqu’au bout avec une forme scénique mouvante où les comédiens peuvent à tout moment briser la linéarité du récit,
la manière de raconter l’histoire.
Nous avons envie de mettre en place un « bordel constructif » ,
une « anarchie contrôlée » ou encore « un désordre organisé » .
Cela afin de donner l’impression d’une forme vivante
, instable, comme un caractère humain.
Une énergie commune autour d’un projet commun.
Nos créations ont toutes été tournées vers cette dynamique : des travaux scéniques où chaque personne peut trouver sa place.
Pas de premier, second rôle, pas de poste attribué
mais une liberté totale donnée aux protagonistes.
Le public va se retrouver confronté à cette vision globale,
et ce sera à lui de réaliser son propre montage.
Il pourra promener son regard et son attention d’un poste à l’autre.
S’approprier, d’une certaine manière, des moments spécifiques du spectacle.
Etre actif. Car Il ne pourra pas se contenter de juste regarder un spectacle : il devra faire des choix qui l’amèneront vers une version unique du spectacle, la sienne.
Au milieu de cette anarchie contrôlée, certaines scènes seront tout de même centrées sur un seul focus, comme le solo d’un instrument au milieu d’un orchestre.
Et cela pour permettre aussi au public de ne pas perdre le fil de l’histoire et également pour valoriser certains effets.

Impression d’une création en direct , une appropriation

Nous avons donc envie, au travers de cette démarche, que le spectateur ait l’impression de vivre la création du spectacle en direct et qu’il puisse se l’approprier.
Pour pousser cette réappropriation de la création par le public, nous allons aussi des spectateurs dans le roman-photo par un système de création photographique en direct.
Ce système rendra aussi chaque représentation unique,
en relation avec le lieu d’accueil et le public.




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